Le lien entre méditation, transformation personnelle et action sociale

À la rencontre des organisateurs et des participants de Médit’Action à Calais, un projet soutenu par Nouveau Monde.

Avec cette série d’entretiens, nous explorons l’intersection entre la méditation de pleine conscience et l’engagement social, deux domaines qui semblent à première vue éloignés, mais qui partagent en réalité des valeurs de bienveillance et de présence active.

L’engagement social et humanitaire faisant face à de nombreux défis, est-ce que la méditation peut renforcer les capacités des acteurs de terrain ?

Méditons ensemble sur cette question à travers les témoignages de ce programme pilote.

Entretien avec Lydia, participante bénévole à Médit’Action Calais – Août 2024

Explorer la méditation sans aborder son impact sur la transformation personnelle dans les contextes humanitaires, ce serait manquer une dimension essentielle.

Pour ce volet de notre série, nous plongeons dans la manière dont la pratique de la pleine conscience peut catalyser une métamorphose intérieure, enrichissant par ricochet l’engagement dans les actions sociales et humanitaires.

Nous avons dialogué avec Lydia, une pratiquante de longue date, qui a partagé comment cette transformation intérieure a renforcé son action.

Ce qui nous marque, c’est comment la méditation a permis à Lydia de dépasser ses appréhensions et de s’impliquer pleinement, offrant une présence apaisée et efficace au milieu du tumulte : une inspiration pour ceux qui envisagent l’engagement social comme un chemin vers le développement personnel.

Bonjour Lydia. Peux-tu nous partager ton parcours et ce qui t’a menée à Médit’Action Calais ?

Je m’appelle Lydia et je pratique la méditation depuis plus de quinze ans maintenant. Kiêt (organisateur de MéditAction), je le connais depuis de nombreuses années. On avait déjà eu le souhait il y a quelques années de faire quelque chose pour les migrants et dans notre petite région, on a accueilli des gens de La Cimade (Association de solidarité active avec les personnes réfugiées et migrantes). C’est important pour moi d’être en contact avec des réfugiés et de pouvoir me rendre utile dans quelque chose d’efficace. Ça me tenait à cœur et donc le jour où Kiet m’a dit qu’il organisait Médit’Action, je lui ai dit que j’étais partante !

Est-ce que tu avais des appréhensions avant de te lancer dans cette expérience ?

Je me sentais émotionnellement fragile et je ne savais pas comment j’allais aborder ça, la rencontre avec ces gens.

Lydia : Oui, j’avais des appréhensions en me disant « Là, on est dans le vif du sujet, ce sont des gens qui ont fait des milliers de kilomètres et vécu des choses difficiles ». Je me sentais émotionnellement fragile et je ne savais pas comment j’allais aborder ça, la rencontre avec ces gens. Et en même temps, très confiante de me dire « je serai au bon endroit au bon moment et tout ira bien ».

Elsa : Qu’est-ce qui t’a rassuré une fois sur place ?

Lydia : J’ai rencontré l’association RCK, une association extraordinaire. Ils sont très bien rodés, efficaces et bienveillants, aussi bien avec les réfugiés qu’avec les bénévoles. Rien n’est laissé au hasard, il y a beaucoup de soin. On ne faisait pas seulement à manger, on préparait des repas adaptés pour eux, les réfugiés, qui sont habitués aux épices et au piment. Ce n’était pas juste une ratatouille, c’était une nourriture pensée pour eux. Le fait de pouvoir offrir ça, c’est très réconfortant.

Et la méditation aussi. Il y a des personnes qui n’avaient jamais médité et pour qui c’était vraiment une grande expérience. On était dans un contexte particulier. Le support de la méditation était intéressant pour être tous sur la même longueur d’onde et avoir des enseignements qui permettent de prendre du recul.

 

Le support de la méditation était intéressant pour être tous sur la même longueur d’onde et avoir des enseignements qui permettent de prendre du recul.

Peux-tu partager un moment où la méditation a été un outil pour toi ou pour le groupe?

 

 

La méditation vient vraiment renforcer le fait de se sentir vraiment “juste” présent pendant un moment difficile. Et parfois prendre juste une grande respiration, ça suffit à prendre ce petit recul nécessaire pour continuer ce que l’on fait.

 

Lydia : On est allé distribuer les repas aux migrants et on a tous eu de l’appréhension avant. Ensuite, on a partagé tout ce que chacun a vécu ensemble et ça aide.

Et je pense aussi que la méditation vient vraiment renforcer le fait de se sentir vraiment “juste” présent pendant un moment difficile. Et parfois prendre juste une grande respiration, ça suffit à prendre ce petit recul nécessaire pour continuer ce que l’on fait.

Est-ce que cette expérience est venu renforcer ou remettre en question ton engagement social ?

Lydia : C’est surtout venu renforcer ça oui. Vraiment. Je pense aussi à ce que je peux faire localement et je me dis peut-être me rapprocher de La Cimade (Association de solidarité active avec les personnes réfugiées et migrantes). Je ne sais pas comment encore.

Je voulais aussi repartir là en septembre à Médit’Action Briançon.

Je pense aussi à ce que je peux faire localement et je me dis peut-être me rapprocher de La Cimade (Association de solidarité active avec les personnes réfugiées et migrantes).

J’aime aussi le fait d’être énergique comme ça pendant une semaine et d’être dans une action hors de chez moi. Ça m’aide beaucoup, c’est différent.

Je m’informe aussi davantage, j’essaie de comprendre politiquement où ça en est, comment ça fonctionne pour prendre les décisions. C’est un spectre un peu plus large qui m’amène à une réflexion plus globale.

Penses-tu que la méditation puisse être bénéfique dans d’autres types d’interventions humanitaires ou sociales ?

Pour pouvoir être en face de quelqu’un qui est en souffrance, qui a vécu des choses difficiles, quel que soit le contexte, que ce soit des femmes ou des enfants. La méditation, elle s’accorde à tous ces différents contextes difficiles. Ça permet de se retrouver vraiment à l’intérieur de soi, de trouver de la force, mais aussi de s’ouvrir vraiment.

Lydia : Dans tous les contextes, la méditation est bonne, même pour les maraudes. Je trouve que c’est une histoire d’une vie. Pour pouvoir être en face de quelqu’un qui est en souffrance, qui a vécu des choses difficiles, quel que soit le contexte, que ce soit des femmes ou des enfants. La méditation, elle s’accorde à tous ces différents contextes difficiles. Ça permet de se retrouver vraiment à l’intérieur de soi, de trouver de la force, mais aussi de s’ouvrir vraiment. Grâce à ça, on se retrouve vraiment en empathie avec l’autre et on essaye de faire un petit quelque chose dans cette immensité.

Elsa : oui, on a besoin. Je pense que c’est aussi pour ça que ces actions, elles sont importantes. Je crois qu’elles nous font sortir de nos contextes habituels. Elles nous montrent d’autres réalités, d’autres personnes.

Lydia : Complètement oui, d’autres personnes et aussi de remettre en question, quel est le but ? Quel est le sens réel à faire ?

Parce qu’à un moment donné, une de mes questions, c’était « Je suis là pour quoi ? Quel est le sens ? Où est-ce que je me place par rapport à ça ?

Ce sont des questions hyper importantes. Comment je me place par rapport à l’autre dans ce que je vis.

Ça remet l’église au centre du village comme on dit.

Ça peut aussi aller jusqu’à transformer notre quotidien et nos interactions sociales…?

Lydia : Oui complètement. Ça transforme et ça questionne, “Comment être bien avec l’autre ?”.

Et surtout, je pense que la méditation ça se travaille sur le coussin, au quotidien, mais ça se travaille aussi dans les moments où ça va bien. Et quand il y a des moments où ça ne va pas bien, là ça vient en support.

Ça transforme et ça questionne, “Comment être bien avec l’autre ?”

Elsa : C’est vrai que l’on parle souvent de la sécurité émotionnelle et du stress, on parle moins du fait que ça vient aussi sublimer l’ordinaire. Quand ça va bien, c’est aussi quelque chose qui permet d’avoir une vie plus riche je trouve, intérieure et extérieure.

Lydia : Oui, oui, complètement.

Elsa : Oui et c’est important d’en parler parce qu’au-delà de soutenir les bénévoles, la pleine conscience en action, c’est aussi pour leur permettre de revenir, de se sentir bien et enrichi par l’expérience.

Il ne s’agit pas uniquement d’éviter l’épuisement.

Si tu présentais le projet à quelqu’un, que lui dirais-tu sur le fait de participer à MéditAction?

Qu’il faudrait vraiment déjà que la personne en ait réellement envie.

Je lui dirais que je trouve que c’est un moment précieux d’être en contact avec les migrants. C’est quelque chose d’important humainement, ce n’est pas juste quelque chose d’intellectuel.

Là, c’est être dans le vif et pour moi, c’est très important. Être encadré aussi par une pratique méditative, je trouve ça rassurant et ça donne du sens parce qu’on peut vite se perdre dans “le faire”.

C’est un moment précieux d’être en contact avec les migrants.

Être encadré aussi par une pratique méditative, je trouve ça rassurant et ça donne du sens parce qu’on peut vite se perdre dans “le faire”

Pour moi, ce qui ressort de plus beau et de plus fort c’est d’être en lien avec les autres.

Ça apporte tout un tas de choses, on met le doigt quelque part et ça nous mène très loin.
Pour moi, ce qui ressort de plus beau et de plus fort, c’est d’être en lien avec les autres. Tu vois, quand j’ai distribué des repas et que j’ai croisé des regards sans parler la même langue… Enfin voilà, on était juste là.

Oui, c’est de l’humanité. Et peut-être que cette expérience crée un espace pour le cultiver ?

Lydia : Oui, et ça se cultive parce que je pense que ça peut être timide au début et c’est normal, on a des approches différentes. Avec La Cimade par exemple, on faisait des pique-niques avec les familles. On passait juste la journée avec les enfants au bord de la rivière. On peut entrer en lien par différentes portes et y aller progressivement. Je pense que parfois les histoires de vie ou les rencontres font que petit à petit, tu fais un chemin avec ça.

Oui, et ça se cultive parce que je pense que ça peut être timide au début et c’est normal.

Elsa : Oui, c’est joli. Et puis, c’est bien de voir d’autres réalités aussi parce que ça crée de l’empathie et une meilleure compréhension, plus de patience envers les autres aussi. Je trouve qu’on en a besoin pour se comprendre. Il y a vraiment ce lien qui se crée partout, je crois, en posant des questions, en s’intéressant vraiment à l’autre.

Lydia : Bien sûr oui, en s’intéressant vraiment à l’autre. Tu ne sais pas qui tu as en face en fait et il s’agit de laisser nos préjugés de côté. Et je pense que la pratique de la méditation amène à ça aussi, le non-jugement et puis tu vois ce qui se passe.

Je pense que la pratique de la méditation amène à ça aussi, le non-jugement et puis tu vois ce qui se passe.

Elsa : Ça apporte de l’ouverture, ça permet d’ouvrir des portes d’empathie, de bienveillance. Et puis parfois tout simplement juste d’écoute.

Lydia : Complètement, juste ça, une écoute.

Regards Croisés

Elsa: Ce qui ressort de cet échange avec Lydia, c’est la manière dont la méditation devient un allié dans l’engagement social. Ce n’est pas seulement un outil pour gérer les émotions, mais un cadre qui permet de rester centré, d’agir avec empathie, et de trouver un sens plus profond à nos actions. Pour Lydia, la méditation a non seulement renforcé son engagement, mais l’a également aidée à naviguer dans des situations difficiles avec plus de sérénité et de présence.

Elle nous rappelle que l’engagement social, quand il est soutenu par une pratique introspective comme la méditation, peut devenir une voie de transformation personnelle autant que collective. L’expérience qu’elle partage montre que, loin d’être un simple ajout, la méditation peut devenir une fondation solide pour une action sociale plus réfléchie, plus humaine, et surtout, plus durable.

Articles par le Fond de Dotation Nouveau Monde – Entretiens réalisés par Elsa Delaunay

Avec la participation de l’Espace de la Source, des organisateurs et bénévoles ayant participé au programme Médit’Action à Calais.