Renforcer l’action humanitaire par la méditation et l’équilibre émotionnel

À la rencontre de Kiêt Dao, fondateur de Médit’Action et instructeur de méditation pleine conscience & Nadia, participante bénévole à Médit’Action Calais – Août 2024

Médit’Action, projet soutenu par Nouveau Monde, illustre une manière innovante d’allier introspection personnelle et action collective. Ce programme, conçu pour répondre aux défis émotionnels et physiques rencontrés dans l’humanitaire, s’appuie sur la méditation pour renforcer la résilience des participants. Dans cet entretien croisé, Kiêt Dao, fondateur de Médit’Action, et Nadia, bénévole lors de la première édition, partagent leurs vécus.

Kiêt, peux-tu nous parler de la genèse de Médit’Action ? Qu’est-ce qui t’a poussé à lancer cette initiative ?

La situation des migrants m’a toujours profondément touché, probablement à cause de mon histoire familiale liée à l’exil vietnamien. J’ai grandi avec des récits de traversées périlleuses et d’épreuves inimaginables. Ces histoires m’ont donné envie d’agir. J’ai découvert Sangha Seva et Karuna Shechen, deux organisations qui intègrent méditation et humanitaire. Leur approche m’a inspiré. Je voulais créer une initiative similaire à Calais, un lieu symbolique, où la souffrance des migrants est omniprésente. Médit’Action est né de cette envie de combiner la pleine conscience et l’action pour soutenir à la fois les migrants et les bénévoles sur le terrain.

Kiêt Dao, Instructeur MBSR et organisateur de l’initiative MéditAction.

Nadia, qu’est-ce qui t’a donné envie de rejoindre Médit’Action ?

Je n’avais jamais participé à une initiative humanitaire avant. J’ai découvert Médit’Action par le biais de l’association Espace de la Source et ça m’a intriguée. J’aime aider les autres, mais je n’avais jamais imaginé m’engager auprès de réfugiés. En lisant sur le programme, je me suis dit que c’était une opportunité de me dépasser et d’apprendre.

Nadia, participante bénévole à Médit’Action Calais.

 

Comment as-tu vécu cette première expérience sur le terrain Nadia ?

J’étais à la fois curieuse et un peu anxieuse. Mais dès le début, l’organisation m’a rassurée. Tout était bien structuré : la logistique, le soutien émotionnel, et surtout les périodes de méditation. Elles m’ont aidée à rester présente et à surmonter mes appréhensions. J’ai découvert une énergie collective incroyable, une véritable synergie entre les participants.

 

Kiêt, peux-tu expliquer comment la méditation a été intégrée à ce programme humanitaire ?
L’idée était de relier l’action à la pratique méditative. Par exemple, chaque matin, nous commencions par une méditation guidée pour poser une intention pour la journée : prendre soin de soi, être attentif à ses besoins ou cultiver la bienveillance. Le soir, nous prenions un moment pour partager nos ressentis et observer comment la méditation avait influencé notre journée. Ces pratiques aidaient les bénévoles à maintenir un équilibre émotionnel malgré l’intensité des activités.

 

Nadia, quelles ont été les difficultés que tu as rencontrées et comment la méditation t’a aidée ?
Le rythme était soutenu : de longues journées, peu de sommeil… Physiquement, c’était un défi, mais la méditation m’a donné une forme de « pause intérieure ». Même au milieu de la fatigue, ces moments de recentrage me redonnaient de l’énergie. Émotionnellement, c’était intense. Être confrontée à la souffrance des réfugiés, c’est bouleversant. Mais la méditation m’a appris à accueillir mes émotions sans me laisser submerger. Ça m’a permis d’agir avec plus de sérénité.

 

Kiêt, comment vois-tu le rôle de la méditation dans la gestion des émotions dans ce type de contexte ?
La méditation aide à reconnaître ce qui se passe en soi, à accepter ses limites et à agir en conséquence. Sur le terrain, les bénévoles peuvent être confrontés à des situations très dures. Sans une pratique comme la pleine conscience, il est facile de se laisser déborder par les émotions ou de s’épuiser en essayant de trop donner. La méditation offre un cadre pour rester ancré et préserver ses ressources.

 

Nadia, est-ce que cette expérience a changé ta vision de l’engagement social ?
Oui, totalement. Avant, j’avais une vision assez floue de ce que signifie s’engager. Cette semaine m’a montré que l’aide peut prendre de nombreuses formes et qu’elle commence par prendre soin de soi. J’ai aussi réalisé que je veux orienter ma carrière vers le social. Cette expérience m’a donné la confiance pour explorer cette voie.

 

Kiêt, quelles sont tes ambitions pour Médit’Action dans les années à venir ?
J’aimerais voir cette initiative se développer dans d’autres contextes et avec d’autres animateurs. Chaque personne a sa propre sensibilité et peut adapter Médit’Action à des besoins spécifiques. Par exemple, certains pourraient travailler avec les sans-abris, d’autres dans des contextes éducatifs. L’objectif est de créer un réseau de personnes formées à intégrer la pleine conscience dans des actions concrètes.

Regards Croisés

Ces échanges avec Kiêt et Nadia montrent comment la méditation peut transformer l’expérience humanitaire. Pour Nadia, elle a été un outil pour gérer ses émotions et renforcer son engagement. Pour Kiêt, elle est au cœur d’une vision plus large de l’action sociale, où introspection et action collective s’enrichissent mutuellement.

Médit’Action illustre qu’en prenant soin de notre équilibre intérieur, nous pouvons mieux soutenir les autres. C’est une invitation à réimaginer l’aide humanitaire en y intégrant une dimension de soin de soi. En fin de compte, c’est une démarche qui transforme non seulement ceux qui reçoivent, mais aussi ceux qui donnent.

Articles par le Fonds de Dotation Nouveau Monde – Entretiens réalisés par Elsa Delaunay

Avec la participation de l’Espace de la Source, des organisateurs et bénévoles ayant participé au programme Médit’Action à Calais.